2006 - Déchets nucléaires = le casse-tête !
COLLECTIFS BURESTOP + CEDRA
Mai 2006
L’industrie nucléaire, par la production d’électricité et par ses activités militaires, génère une multitude d’éléments radioactifs toxiques ! Ces déchets sont et seront dangereux pour des milliers, voire millions d’années. Nulle part au monde, on ne sait rendre un déchet radioactif inoffensif. Prétendre que c’est faisable est une imposture. Chaque jour qui passe augmente la quantité de ces produits dont on ne sait que faire. Notre société est face à une impasse grave. Une loi sur la gestion de ces déchets sera votée dans les semaines à venir. En ce qui concerne les plus dangereux, les déchets moyennement et hautement radioactifs à vie longue, les pouvoirs publics prétendent avoir des solutions (stockage en surface ou souterrain, séparation-transmutation) tout en privilégiant l’option inacceptable de les enfouir ! Ou... comment les escamoter ?
Une menace pour santé et environnement
Classés couramment B et C, ils résultent essentiellement du fonctionnement des centrales et des centres d’activité nucléaires de La Hague (Manche), Marcoule (Gard) et Cadarache (Bouches-du-Rhône). Des milliers de tonnes y attendent un mode de "gestion". Ils représentent 10% du volume global de l’ensemble des déchets produits mais concentrent 90% de la radioactivité. Chaque année, le parc nucléaire français produit, entre autre déchets, 1 150 tonnes de combustibles irradiés ; soit environ 20 grammes* par habitant et par an, scande l’industrie. Ce qui est passé sous silence ? Ces 20 grammes de déchets contiennent par exemple des milliers de fois la quantité de plutonium susceptible de déclencher un cancer. Et ce plutonium restera nocif pendant plus de 240 000 ans ! *Ceci n’est qu’une fraction de tous les déchets nucléaires produits, l’ensemble (un cocktail détonnant de divers produits radioactifs de diverses origines) correspondrait selon l’industrie à 1,2 kg par an et par habitant.
Alors, que faire de ces déchets... éternels ?
Une impasse technologique
1 - Les retraiter ? Concept officiel : Séparer certains composants du combustible nucléaire irradié (ou combustible "usé"), afin de récupérer la partie utile de ce combustible usé. La réalité : Cette technologie ne recycle rien mais crée de nouveaux déchets nucléaires. L’usine de La Hague (Manche) "retraite" à prix d’or les déchets français et étrangers, en contaminant massivement l’environnement avec ses rejets radioactifs incontrôlables. Le retraitement génère en outre de nombreux transports à hauts risques.
2 - Les entreposer ? Concept officiel : Stocker en surface ou sub-surface des déchets dont le conditionnement doit être surveillé pendant des dizaines d’années, dans des galeries creusées à flanc de collines. LA réalité : Cette technique de stockage ne peut être que temporaire (100 à 300 ans ?), impliquant surveillance et maintenance au coût considérable, non chiffrable, et surtout la circulation des eaux dans les massifs entraînerait inévitablement de graves pollutions radioactives des sources alimentant en contrebas les populations et les cultures. Les collines de Marcoule (Gard) sont pressenties, d’autres sites sont visés.
3 - Rêver à la séparation-transmutation ? Concept officiel : diminuer la longévité de la radio-toxicité des déchets, en les brisant par bombardement neutronique. ”‚ La réalité : 10 ans d’études du CEA ont conclu que cette technique ne concernerait qu’une partie minime des DHAVL. Expérimentée dans le dangereux réacteur Phénix à Marcoule, l’application industrielle nécessiterait la construction de nouveaux réacteurs (produisant eux-même des déchets). Pour une partie de la communauté scientifique, elle s’apparente à un rêve d’alchimiste au coût exorbitant.
4 - Les enfouir ? Concept officiel : Conditionner, limiter et retarder le retour de la radioactivité (contenue dans les colis de déchets) à la surface de la terre. La réalité : les ENFOUIR à 500 m sous terre en espérant seulement que cela fuira le plus tard possible... Le site argileux de Bure (Meuse/Haute-Marne) est en chantier. L’Andra annonce des conclusions positives hâtives et contestées, son programme ne prévoyant pas de contre-expertise indépendante. Selon elle, le principe de faisabilité serait acquis ? FAUX ! Des experts -indépendants- ont mis en évidence l’existence de réseaux de failles, le risque de sismicité,”‚la présence d’aquifères (eau) vecteurs de la dissémination de la radioactivité. Lorsque les emballages laisseront la radioactivité s’échapper, les nappes phréatiques seront contaminées, menaçant tout le Bassin Parisien. A SAVOIR : La "réversibilité" est un leurre visant à tranquilliser les consciences. La communauté scientifique est unanime. Pour être "étanche" un temps, un tel site doit être bouclé, définitivement. La réversibilité promise par les pouvoirs publics ne pourrait donc être effective que pendant la phase de remplissage du site.
Aucune option à ce jour ne peut être qualifiée de solution.”ˆLes déchets nucléaires sont depuis 40 ans un véritable casse-tête pour notre société. Début 2006 : rien n’est résolu !
Une impasse éthique
Notre responsabilité envers les générations qui nous succèderont est immense ! Nous leur léguons une menace silencieuse à retardement. Tout mode de stockage de ces déchets implique des risques évidents de contamination radioactive des nappes phréatiques, des sources, des sols, menaçant la vie en surface et condamnant définitivement de larges territoires. Surveiller et assurer la mémoire des sites de stockage pendant des millénaires imposera un niveau de compétences technologiques constant et une stabilité sociale que nul ne peut garantir.
Une impasse sociétale
La filière nucléaire (civile et militaire) a toujours masqué les dangers qui lui sont liés, malgré la connaissance précise qu’elle en a. Cette filière a pratiqué la désinformation des populations et l’éviction de celles-ci dans ses prises de décisions. Un Etat dans l’Etat ? L’opacité est la règle. Question déchets, "l’acceptation sociale" est actuellement recherchée -coûte que coûte- alors que les problèmes techniques et scientifiques sont loin d’être résolus. Le manque évident -gravissime- d’options responsables en matière de gestion est masqué depuis toujours par une communication abusive, le refus de toute contre-expertise, les pratiques d’"accompagnement" financier, l’absence de démocratie. Le court débat public (contesté par de nombreuses associations) sur les déchets nucléaires, lancé fin 2005, a lui-même conclu aux carences démocratiques sur la question du nucléaire et de ses déchets ainsi qu’à la nécessité de consulter la population, notamment celle directement touchée par les projets de stockage. L’enfouissement est une des pires options en terme de conséquences pour les générations futures. 25 sites dans plusieurs régions en France ont été concernés par un tel projet, soulevant un véritable rejet, reflet d’une inquiétude justifiée et exprimée de manière constante. La prise en compte de celle-ci devient incontournable !
Une conclusion s’impose, aujourd’hui : 40 ans d’accumulation de déchets hautement radioactifs, de nombreuses tentatives pour les enfouir, et toujours aussi peu d’options de gestion sensées à l’horizon, cela suffit !
La loi votée en juin 2006 est... une très mauvaise façon de régler le problème...”ˆparce que”‚ :
Les parlementaires vont étayer leur réflexion à partir des rapports tronqués, aux conclusions partiales. Pour les DMHAVL, les rapports produits notamment par les organismes tels l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire), la DGSNR (Direction Générale de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection), la CNE (Commission Nationale d’Evaluation), l’OPECST (Office parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques) sont alimentés par l’ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, chargée depuis 1991 des études sur le sujet). Tous concluent unanimement sur "le principe de faisabilité du stockage souterrain à Bure", "l’absence d’éléments rédhibitoires sur ce site...” , passant sous silence les graves lacunes qu’ils mettent par ailleurs en évidence dans le programme développé par l’Andra. Ainsi le rapport de l’IRSN prône l’enfouissement alors que son contenu énonce un ensemble impressionnant d’inconnues majeures sur le travail de l’Andra en matière de failles, sismicité, réversibilité, sûreté, etc. Un des principaux membre de la CNE (Ghislain de Marsily, hydrogéologue) estime qu’il est bien trop tôt pour tirer quelque conclusion que se soit !
ASSURER ou RASSURER ? Aucune contre-expertise indépendante (sans lien avec l’Etat et la filière industrielle) n’est prévue ! Tout est basé sur les auditions des seuls industriels et agences de recherches nucléaires sans avoir entendu experts indépendants et associations, comme cela se passe dans d’autres pays !
Le futur projet de loi ? L’enfouissement reste la voie privilégiée, l’entreposage de surface étant présenté comme voie temporaire pour les déchets en attente d’enfouissement. Sous couvert de poursuite de recherches dans le "laboratoire" de BURE, la loi lancerait en parallèle la prospection industrielle d’un centre d’enfouissement à proximité, dans une zone de 200 km2, située au Nord de Bure. L’échéance ? Construire un centre d’enfouissement dès 2015, rapidement opérationnel !
Et la démocratie ? Cette loi évacuera soigneusement toute consultation directe des populations. La finalité ? Persuader les Français et la communauté internationale que le problème des déchets nucléaires est résolu ou en voie de l’être, que la poursuite du nucléaire avec la construction de nouveaux réacteurs EPR ne pose plus problème...
Le gouvernement et les grands acteurs industriels ont l’absolue nécessité d’affirmer que les déchets nucléaires sont gérables. Cette donne détermine totalement et malheureusement le contenu de la future loi. Celle-ci sera au service des projets à venir de la filière électronucléaire, au détriment d’une planète non contaminée et de toute perspective soutenable pour l’avenir de l’humanité. Refusons une loi qui condamne la Terre et les générations futures !