Le projet Cigeo a été jugé non satisfaisant mais la moins mauvaise solution par Nicolas Hulot et maintenant Sébastien Lecornu. Alors qu’une alternative existe, non satisfaisante certes mais réversible et laissant ouvert un choix futur : l’entreposage à sec en sub-surface des déchets nucléaires couplé à un effort de recherche pour réduire leur nocivité et leur durée de vie.
MEDIAPART - 28/09-2018
Par Bernard Laponche – Polytechnicien, physicien nucléaire, membre de l’association Global Chance

« Errare humanum est, perseverare diabolicum »

En février 2018 devant le Sénat et en diverses autres occasions, Nicolas Hulot, alors ministre de la transition écologique et solidaire, à propos du « tragique héritage laissé par l’industrie nucléaire », déclarait en substance : « Il n’y a pas de solution satisfaisante pour la gestion des déchets nucléaire. La solution de l’enfouissement en couche géologique profonde n’est pas entièrement satisfaisante mais c’est la moins mauvaise ».

Le 19 septembre 2018, interrogé par le quotidien Le Parisien, Sébastien Lecornu, actuel secrétaire d’Etat au même ministère, chargé de l’énergie, déclarait à propos de cette même solution concrétisée par le projet Cigéo à Bure : « Si demain des scientifiques trouvent la solution miracle, on avisera. Il faut être humble et, comme le concédait Nicolas Hulot, pour l’instant, le stockage souterrain est la moins mauvaise option ».

La référence à Nicolas Hulot devient semble-t-il à la mode. Il est dommage qu’il s’agisse ici d’un contresens. Mode aussi à l’humilité, alors même que le projet Cigéo est l’exemple même de l’arrogance.

L’intéressant est que, sur le fond, on retrouve la même idée : pas de solution satisfaisante, les solutions envisagées sont mauvaises et Cigéo, faisant partie de ces solutions non satisfaisantes, est néanmoins la moins mauvaise (M. Lecornu la qualifie même de « moins pire » sur Europe 1, le 27 février 2018 : c’est vraiment reconnaître la faiblesse du dossier).

Puisque cette solution n’est pas satisfaisante, la logique voudrait que l’on en cherchât une qui le soit. On voit donc apparaître « si demain des scientifiques trouvent la solution miracle, on avisera ». On note la légèreté du propos sur un sujet aussi grave et alors que c’est bien là le sujet central du débat. Cette phrase aurait effectivement un sens si l’on donnait le temps et les moyens aux scientifiques de trouver une solution satisfaisante permettant la réduction de la nocivité et de la durée de vie des déchets nucléaires.

C’est justement ce que le projet Cigéo empêche puisque, outre ses défauts intrinsèques et ses risques, tant en termes de sûreté que de sécurité, mis en évidence tant par l’expertise officielle des organismes de sûreté que par l’expertise indépendante, l’enfouissement des déchets qu’il propose n’est pas réversible et ne laisse aucun autre choix possible au générations futures (et à leurs scientifiques) puisque l’on ne pourra pas revenir en arrière. Cigéo est bien la plus mauvaise option.

La solution qui pourrait satisfaire M. Hulot et M. Lecornu, et même les producteurs de ces déchets, serait justement de « donner du temps » à la recherche, tout en assurant un entreposage sûr et sécurisé des déchets nucléaires. On connaît la réponse : coupler, pendant une période qui peut sans difficultés s’étaler sur trois siècles, un effort international sans précédent de recherche pour réduire la nocivité et la durée de vie de ces déchets, avec un entreposage à sec en sub-surface (faible profondeur non inondable ou flanc de colline), afin d’assurer leur protection, leur contrôle et leur surveillance, dans des conditions d’accessibilité et de réversibilité, comme le demandent les élus de la Nation.

Certes, il faut gérer le tragique héritage des déchets déjà produits mais, puisqu’il n’existe pas aujourd’hui de solution satisfaisante, la sagesse serait de cesser d’en produire.