Fin 2010, l’ensemble des résidus radioactifs présents sur le territoire représentait un volume de 1,3 million de m3. Ils sont issus pour l’essentiel (59 %) des réacteurs électronucléaires d’EDF, mais aussi des laboratoires de recherche (26 %), des activités de défense (11 %) et, pour le reste, de divers secteurs industriels et des applications médicales.

A 97 %, ce stock est constitué de déchets encombrants mais de faible ou moyenne activité, voire de très faible activité. Ceux à haute activité n’en représentent que 0,2 %. Mais ces produits-là, provenant du retraitement des combustibles "brûlés" dans les réacteurs, concentrent 96 % de la radioactivité totale.

C’est pour ces matières extrêmement dangereuses, ainsi que pour les déchets de moyenne activité mais à vie longue (des centaines de milliers, voire des millions d’années) que doit entrer en service, en 2025, un centre industriel de stockage géologique (Cigéo), creusé à 500 mètres de profondeur dans une couche d’argile, entre la Meuse et la Haute-Marne.

"ÉCLAIRER LE DÉBAT SUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE"

Le fait le plus notable, pour les deux décennies à venir, est la forte hausse de la quantité de déchets de très faible activité qui vont être produits : elle devrait presque quadrupler entre 2010 et 2030, pour atteindre 1,3 million de m3. Cette croissance résulte, notamment, des chantiers de démantèlement déjà en cours : neuf réacteurs d’EDF et plusieurs réacteurs de recherche sont dans ce cas.

Mais l’Andra s’est projetée au-delà de 2030, afin, explique son président, François-Michel Gonnot, d’"éclairer le débat sur la transition énergétique". L’Agence a comparé deux scénarios prévoyant, pour le premier un fonctionnement des réacteurs actuels pendant cinquante ans (c’est l’hypothèse aujourd’hui retenue par EDF), pour le second un fonctionnement pendant quarante ans.

Les volumes de déchets finaux sont sensiblement les mêmes dans les deux cas, excepté pour ceux à haute activité, les plus pénalisants : 10 000 m3 dans le scénario à cinquante ans, contre environ 93 000 m3 dans le scénario à quarante ans.

En effet, en cas d’arrêt plus rapide des centrales, la possibilité de réutiliser, pour de nouveaux cycles de combustion, des matières extraites par retraitement des combustibles usés (notamment du plutonium recyclé en MOX), sera réduite. Dans ce scénario, "il va falloir arrêter de retraiter tous les combustibles usés en 2019", précise Michèle Tallec, chef du service inventaire de l’Andra.

Il faudrait alors procéder, sans les retraiter, à un "stockage direct" de quelque 57 000 assemblages de combustibles usés, dont 6 000 assemblages contenant du MOX, donc du plutonium. Un ou plusieurs sites devraient être rapidement aménagés pour entreposer provisoirement – près d’un siècle tout de même – les assemblages de combustibles usés, en attendant qu’ils aient suffisamment refroidi pour pouvoir rejoindre le centre de stockage géologique.

LES CENTRES DE STOCKAGE À AGRANDIR OU À CONSTRUIRE

L’Andra n’a pas étudié l’hypothèse d’un arrêt anticipé de réacteurs. Celui-ci ne modifierait pas le volume global de déchets, puisque les opérations futures de démantèlement sont intégrées à l’inventaire. Mais il précipiterait le calendrier. "Il faudrait travailler plus vite. C’est une question de gestion de flux", commente Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l’Andra.

La résolution du casse-tête des résidus nucléaires en serait rendue, sinon plus complexe, du moins plus urgente. D’autant que le centre de stockage de déchets de très faible activité de Morvilliers (Aube), ouvert en 2003 et d’une capacité de 650 000 m3, sera saturé vers 2025. Il faudra l’agrandir ou en construire un autre.

En outre, l’Andra n’a toujours pas de site de stockage pour les déchets de faible activité mais à vie longue (plus de trois cents ans), issus notamment des anciens réacteurs à graphite-gaz. Autant d’éléments qui devront être pris en compte dans le débat sur la place de l’atome dans la feuille de route énergétique de la France.